BÉRÉNICE DE CAPPADOCE

"Je demeurais longtemps errant dans Césarée, Lieux charmants où mon cœur vous avait adorée." Antioche adorait Bérénice, "l'autre, la vraie", comme dirait Aurélien, celle de Racine, au nom de "princesse d'Orient". Avec Bérénice, Racine voulait la simplicité. Il ne pensait pas vraisemblable qu'une multitude d'actions puissent se dérouler en une seule journée. En une seule journée ? Evidemment, non. Mais en une vie ? Dans une autre Césarée, en Cappadoce, une autre Bérénice. Elle est bergère. Pour elle, aucune vraisemblance n'est possible dans une unité d'action et de lieu. De toute façon, les actions dépendent les unes des autres ; tout est engrenage. La vraisemblance ne peut que résider dans un récit initiatique. Bérénice n'est pas reine et semble ballottée sur les flots de sa destinée où chacun de ses choix aura des répercussions inattendues qui appelleront, à leur tour, d'autres choix. Bérénice nous emmène dans une tragédie du quotidien, une épopée du commun, à travers son récit, mais aussi à travers plusieurs récits enchâssés. Bérénice de Cappadoce est le parfait exemple du pouvoir de la parole, du langage, de la poésie et des contes sur notre façon de voir le monde. Bérénice de Cappadoce a pour cadre une Antiquité tardive éminemment moderne. Adriana Martins met nos sens en éveil ; nous voyons les couleurs, humons les odeurs, goûtons les parfums d'une époque dont on parle encore peu. A travers les yeux de Bérénice, non seulement nous visitons Césarée et d'autres lieux de l'Anatolie, mais nous voyons aussi tout un monde foisonner. Bérénice ne cessera pas de s'interroger à son sujet ! Elle est un petit bout de femme à l'esprit assailli de questions. Elle n'est peut-être qu'une bergère, mais sa réflexion est sans cesse en mouvement. Comment pourrait-il en être autrement dans un monde où le patriarcat domine et où diverses cultures doivent cohabiter ensemble ? Comment faire quand on est né femme et que, pour diverses raisons, on est condamné à se cacher ? Bérénice de Cappadoce est un roman très actuel par les questions qu'il soulève. Et finalement, on s'interroge. Bérénice, héroïne ou pas ? Certains diront qu'elle est bien courageuse face à l'adversité. Bérénice se relève toujours, à la manière d'Ulysse. D'autres diront qu'il n'en est rien. Est-ce du courage quand on se bat avec l'énergie du désespoir ? A-t-on d'autre choix, au final, que de continuer à aller de l'avant ? Qu'y a-t-il d'héroïque à cela quand on enchaîne les déboires ? Bérénice va surtout apprendre la bienveillance ; celle envers autrui, mais aussi celle envers elle-même. Bérénice est également un magnifique exemple de résilience. Peut-être y a-t-il un peu de chaque femme dans Bérénice... Adriana Martins nous ouvre les portes d'un récit profondément humain.