Antonio Haedo est un vieux monsieur maintenant. C'est pourquoi il est temps qu'il en témoigne, qu'il dise les choses telles qu'il les voit. Qu'il parle de ce qu'il porte comme un souffle. Il ne saurait pas le dire au juste ; ça tourne autour de l'Uruguay de sa jeunesse et spécialement de Fray Bentos où il passait ses étés avec sa famille. Étant dotée d'un port, la ville accueillait de larges bateaux sur la rive gauche du fleuve Uruguay qui sépare l'Uruguay de l'Argentine.
Plus qu'un souvenir, c'est un sentiment qu'il éprouve ; il se précise lorsqu'il parcourt des photographies, relit des livres, voit des cours d'eau s'enfuir à travers la vitre d'un train. Il aperçoit alors d'autres paysages, des scènes, des visages. Antonio n'est pas certain de vouloir y revenir, mais le sentiment est près de lui, même quand il ne lui montre rien. Depuis longtemps, il attend un son, une lumière qui surgirait des photographies, des objets, des livres. Mais ce qu'il attend, il le sait, est déjà arrivé. Il est en vie grâce à ce sentiment qui l'habite, et l'exonère du temps. Lorsqu'il croit qu'il s'est dissipé, il le retrouve en effleurant des yeux le mystère des choses.
Book details
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Publisher
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Original text
Yes -
Language
French -
Original language
French -
Publication date
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Page count
178 -
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About the author
Silvia Baron Supervielle
Écrivain et traductrice, Silvia Baron Supervielle est née en Argentine. En 1961, elle s’installe à Paris et commence à publier en français quelques années plus tard. Elle a publié une vingtaine de titres – poèmes, essais, romans et récits – et a traduit en particulier Borges, Silvina Ocampo et Arnaldo Calveyra vers le français et Marguerite Yourcenar vers l’espagnol. D’elle, les Éditions Gallimard ont notamment publié L’alphabet du feu (Arcades n° 87), Le pont international (collection blanche, 2011), Lettres à des photographies (collection blanche, 2013).